Malgré
la crise, Athènes dépense des millions pour un ouvrage qualifié
d’inutile. Reportage.
Dans
son pick-up gris, Evanghelis Maraslis, l’excentrique maire adjoint
du village grec de Nea Vyssa, file, pleine vitesse, le long de la
frontière turque. De part et d’autre d’une petite route
terreuse, on trouve des champs, des paysans et des soldats. Au loin,
des miradors. «A gauche de la route, c’est la Grèce. On cultive
des asperges et de l’ail. A droite, c’est la Turquie, qui produit
du riz. Le mur sera construit entre ces champs», explique
Evanghelis.
Sur
12 kilomètres
de frontière terrestre avec la Turquie, la Grèce a décidé, début
2011, de construire un mur de barbelés équipé de 25 caméras
thermiques. Les 200 kilomètres
restants, limitrophes avec le voisin turc, étant séparés
naturellement par le fleuve Evros. En février 2012, un échantillon
du mur a été inauguré. Début mai, dans l’ombre des médias, les
travaux de terrassement ont débuté. L’enjeu est énorme: entre
200 et 300 migrants entrent chaque jour clandestinement en Grèce par
la Turquie. Ce qui représenterait plus de 80% de l’immigration
clandestine de l’Union européenne.
A
Nea Vyssa, village agricole de 2000 âmes, les habitants continuent
de voir passer, tous les matins, des dizaines de migrants en
provenance d’Afghanistan, du Bangladesh ou encore d’Afrique
subsaharienne. «Hier, la police a cueilli 50 immigrés qui avaient
franchi le fleuve», confie Katarina, une villageoise. Chaque nuit,
sur des bateaux pneumatiques surchargés, les migrants tentent la
traversée périlleuse de l’Evros. Parfois, au péril de leur vie.
En 2011, 48 corps ont été repêchés dans le fleuve.
Par
le fleuve
Ceux
qui passent par les 12 kilomètres
de terre déambulent dans les rues de Vyssa au petit matin.
Volontaires et dociles, ils se rendent à la police, qui leur délivre
un avis d’expulsion sous 30 jours,
puis partent pour Athènes. «Les immigrés ne créent pas de
problèmes. Ils ne font que passer. Nous essayons de leur donner à
manger, à boire, de collecter des vêtements», explique Anastasio
dans un café.
Autour
des terrasses ensoleillées de Vyssa, le mur est loin de faire
l’unanimité. «Il ne fera que déplacer le problème. Les migrants
passeront par le fleuve. Depuis l’arrivée de Frontex [la police
européenne aux frontières] il y a deux ans,
les clandestins ont migré vers le sud», regrette Evanghelis, en
sirotant un café glacé.
«Il
ne sera pas achevé»
Les
travaux, estimés à 3 millions d’euros, seront financé
entièrement par le gouvernement grec. L’Union européenne refuse
de payer un mur qualifié d’«inutile» par Cecilia Malmström,
commissaire chargée des Affaires intérieures. Des militants de la
région ont créé une association contre le mur: Stop Evros Wall.
Diamando, membre du collectif, sourit. «Le mur ne sera jamais
achevé. Il a été commencé en période d’élection. Le
gouvernement grec voulait montrer à l’Europe qu’il agissait sur
l’immigration», affirme-t-il.
Réseau
mafieux
Car
le problème reste immense. Depuis cinq ans,
la Grèce connaît une explosion migratoire, alors que les frontières
maritimes de l’Italie et de l’Espagne ont été renforcées. En
pleine crise économique, avec 2 millions d’immigrés pour 11
millions d’habitants, la Grèce est devenue un véritable Etat
tampon. En parallèle, un réseau mafieux international se développe
avec comme plaque tournante Istanbul. Les passeurs, souvent des Turcs
ou des Afghans, demandant jusqu’à 10 000 euros
pour aller jusqu’en Grèce.
mardi, 15 mai 2012
Mathieu
Martinière, envoyé spécial à Nea Vyssa, pour 24 Heures
http://cscps-10.blogspot.gr/2012/05/contre-limmigration-la-grece-construit.html