Athènes s'apprête à ériger une clôture pour endiguer l'afflux d'immigrés qui entrent en
Lia Neafyge, Stelios Vradelis
5 novembre 2010, patrouille d'un soldat grec sur les frontières Grec-Turques près du village de Nea Vyssa. Pour la première fois, l'agence Frontex de l'EU déploie ses équipes rapides d'intervention - militaryphotos.net ©
Quand Christos Papoutsis, le ministre de la Protection
du citoyen [chargé de l’immigration], parle de l’hypocrisie de ceux qui
critiquent son projet de clôture, il veut mettre l’accent sur les réalités de
l’immigration clandestine. Près de 300 personnes tentent de passer chaque jour
la frontière à cet endroit précis, là où le fleuve Evros fait un crochet par le
territoire turc et ne joue plus son rôle de frontière naturelle entre les deux
pays. L’arrivée de clandestins depuis la Turquie a par ailleurs augmenté de 372
% en un an, surtout dans le nord-est du pays, alors que l’arrivée par les îles
a diminué de 70 % à 75 %. La présence des agents de la police européenne aux
frontières, Frontex, a été
concluante dans les îles et a commencé à porter ses fruits dans le nord, après
deux mois de présence. Mais, selon le gouvernement, la présence d’un mur de
barbelés équipé de caméras thermiques et de capteurs de présence sera encore
plus dissuasive pour les passeurs.
Cette clôture longera les 12,5 km de frontière
terrestre commune avec la Turquie (sur les 198 km de frontière
fluviale). "Cela incitera aussi la Turquie à reconnaître sa propre
responsabilité dans cet afflux de clandestins", estime un responsable
grec, sous couvert d’anonymat.
L’Espagne a installé le même genre de barrière pour
clôturer ses frontières à Melilla et Ceuta [les deux enclaves
espagnoles au Maroc], et l’effet a été immédiat. La nôtre, d’une hauteur de 3
mètres, sera située entre les villages de Vyssa (Nea Vyssa) et Kastanies, près
d’Orestiada. Le village de Nea Vyssa n’a pas été choisi par hasard. Ce petit
village est le principal point d’entrée des migrants, et c’est le passage le
plus "abordable" financièrement parlant : les passeurs demandent ici
de 500 à 600 euros ; pour passer par les îles, il faut compter le double, voire
le triple...
La police est omniprésente autour de ces villages et
a, depuis quelques semaines, reçu le renfort des équipes de Frontex. Des
policiers venus de toute l’Europe couvrent le périmètre jour et nuit :
soit près de 600 personnes en tout et des équipements ultramodernes. Mais cela
n’a pas n’empêché le passage d’immigrés clandestins. L’année dernière, 128 000
migrants sont arrivés en Grèce au total. Ces quatre dernières années, leur
nombre atteignait 512 000. Bien entendu, le projet de mur provoque de vives
réactions au sein de l’opposition. Les partis de gauche n’hésitent pas à parler
de racisme, ceux de droite de "fausse solution". Quant à la Commission
européenne, elle reste très réservée. D’où la réaction de Christos Papoutsis. "On
pointe la Grèce du doigt depuis des années en l’accusant d’être incapable de
garder ses frontières selon les critères du traité de Schengen et, au moment où
elle décide de prendre des mesures, elle est critiquée", s’insurge-t-il. La construction du mur sera achevée
fin mars.
12.01.2011
http://www.courrierinternational.com/article/2011/01/12/le-mur-contre-les-clandestins-est-indispensable