Dans
certains quartiers d’Athènes, des comités de quartiers appuyés
par des groupuscules ultranationalistes s’affrontent régulièrement
à des groupes de migrants soutenus par des militants d’extrême
gauche. Pour Christos Papoutsis, la situation est devenue critique.
« La société grecque a atteint les limites de ce qu’elle
pouvait accepter en matière d’immigration illégale. »
Au
point qu’il a fallu se résoudre à envisager la construction d’une
barrière à la frontière d’un pays candidat à l’Union
européenne. Frictions en vue entre Bruxelles et Ankara...
En Israël, un camp de réfugiés à la frontière égyptienne
En
Israël, ce sont 35 000 migrants africains qui ont franchi
la frontière avec l’Egypte au cours des quatre dernières années.
D’après les associations de défense des droits de l’homme, la
plupart sont des
réfugiés
fuyant la guerre civile au Soudan et le régime dictatorial
d’Erythrée.
Pour
des raisons historiques évidentes, les Israéliens sont partagés
entre la compassion envers ces victimes de persécutions et la peur
d’une invasion. Benjamin Netanyahou a choisi, non
sans arrière-pensées électorales,
de présenter l’affaire sous l’angle de la menace :
« Cette
vague grossit et menace l’emploi des Israéliens. Elle change le
visage de l’Etat d’Israël et nous devons l’arrêter. »
En
plus de la barrière, le Premier ministre a annoncé l’installation
dans la Néguev d’un camp de réfugiés pouvant accueillir
10 000 personnes. Anticipant sans doute les parallèles
douteux que ne manquera pas d’inspirer cette décision, le
gouvernement israélien a pris soin de préciser que dans ce camp,
les migrants seraient nourris, logés, en échange de quoi ils
auraient interdiction de travailler.
Les protections se renforcent ? L’itinéraire des migrants change
L’autre
point commun entre ces deux événements, c’est qu’on peut y voir
une conséquence des politiques menées depuis dix ans par certains
pays membres de l’Union européenne pour juguler les flux
migratoires.
Confrontées
aux débarquements réguliers de migrants, l’Espagne et l’Italie
ont renforcé la surveillance de leur littoral, en recourant pour
cela à des moyens quasi-militaires et en nouant des accords de
coopération avec les pays de départ, sans être regardants sur leur
respect des droits de l’homme.
Les
côtes andalouses, les Canaries et Lampedusa ont ainsi été rendues
à la délectation des touristes. Mais en obstruant progressivement
les portes d’entrée vers l’Europe, les gouvernements concernés
n’ont pas mis fin à l’immigration : ils n’ont fait qu’en
déplacer les routes. Avec pour conséquence de prolonger l’errance
de plusieurs milliers de migrants qui parcourent l’Afrique en quête
d’une rampe de lancement vers l’Europe.
La
lutte contre l’immigration irrégulière a fini par ressembler à
un gigantesque jeu de taquin à l’échelle du bassin méditerranéen.
Les Africains passent désormais par la Turquie et la Grèce
Désormais,
c’est en Israël et en Grèce que la partie se joue. En novembre
dernier, 80 Erythréens furent pris en otage par des trafiquants
à la frontière israélo-égyptienne. Ils étaient partis de Tripoli
pour rallier l’Etat hébreu.
Pour
les spécialistes
des mouvements migratoires, cette information prouve une chose :
que l’obstruction de la voie de passage entre la Libye et l’Italie
à partir de mai 2009, résultat de l’accord
controversé
entre Rome et le régime de Kadhafi a poussé un certain nombre de
réfugiés à se rabattre vers Israël.
En
Grèce, la plupart des migrants viennent du Pakistan, d’Afghanistan,
d’Irak ou d’Iran. Pour ces filières, le report s’est fait à
l’échelle locale, entre les îles de la Mer Egée et la frontière
terrestre avec la Turquie, où le trafic a explosé en 2010.
A
tel point que Frontex, l’agence européenne de surveillance des
frontières, y a dépêché récemment un contingent de 175 hommes
pour épauler la police grecque. Sur place, les experts européens
ont mesuré une forte proportion de Maghrébins parmi les migrants
interceptés.
Ils
l’expliquent par l’ouverture de vols low cost entre leur pays et
la Turquie. Les « harragas » ne peuvent plus traverser la
Méditerranée en bateau, ils prennent donc des chemins de traverse.
Quant aux deux hommes retrouvés morts de froid sur les rives de
l’Evros à la mi-décembre, ils étaient originaires d’Afrique
subsaharienne. Athènes estime qu’un quart des migrants qui
franchissent actuellement la frontière de l’Evros vient d’Afrique.
La partie de taquin pourrait se poursuivre en Roumanie et Bulgarie
Rien
ne porte à croire que le nombre de migrants diminuera à l’avenir.
Surtout pas le retrait annoncé des troupes américaines en Irak et
en Afghanistan, ni la reprise économique espérée en Europe. Sans
même parler des conséquences à long terme du changement
climatique.
La
partie de taquin devrait donc se poursuivre. On parle déjà d’un
détournement des flux vers la Bulgarie, en attendant la Roumanie. Un
facteur qui explique peut-être, à la marge, la décision récente
de retarder l’accession de ces deux pays à l’espace Schengen.
En
théorie, ce jeu dangereux pour les migrants ne prendra fin que
lorsque l’ensemble du pourtour européen aura été bouclé. Mais
est-ce seulement possible ? Combien de milliards d’euros
faudra-t-il verser à la très lucrative industrie de la sécurité
pour se donner l’illusion d’y parvenir ?
Et
enfin, question qui préoccupe tous les défenseurs des droits de
l’homme : que vont devenir les réfugiés ? Autant de
questions qui, en toute logique, devraient faire l’objet d’un
débat européen au cours de l’année 2011. Ou pas.
Publié
le 06/01/2011 à 11h28
http://blogs.rue89.com/europe-europe-europe/2011/01/06/mur-entre-grece-et-turquie-a-nouvelles-protections-nouvelles-routes-